Un pari à 32 milliards de dollars

La lettre de Frédéric Simottel n°83

BFM Business Cybersécurité
6 min ⋅ 19/03/2025

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32 milliards de dollars ! Tel est le montant que va débourser Google pour mettre la main sur la startup israélienne Wiz, spécialisée en cybersécurité. Presque un record dans le domaine après celui du récent rachat de Splunk par Cisco finalisé cette année, pour 28 milliards de dollars. Points communs de ces deux méga-acquisitions : la protection des environnements cloud. Wiz propose une remontée des incidents plus optimisée tandis que Splunk intervient dans l’analyse et la gestion des informations et évènements de sécurité (Siem). Les plus connaisseurs des deux plateformes noteront d’ailleurs qu’associer Wiz et Splunk prend tout son sens dans un environnement de cybersécurité aussi exigeant que le cloud.


Un pari à 32 milliards de dollars

Surveiller en temps réel toutes les couches de son infrastructure cloud. Détecter les menaces et proposer des solutions de sécurisation pour les applications et services. Voici résumé l’activité de la startup israélienne Wiz que vient d’acquérir Alphabet, maison mère de Google. Il s’agit ni plus ni moins de la plus grosse acquisition du géant américain, loin devant les 12,5 milliards dépensés en 2011 pour racheter Motorola (qui fut finalement revendu en 2017 à Lenovo).

Cette acquisition aurait déjà dû avoir lieu en juillet dernier pour 23 milliards de dollars. Mais l’opération a fini par capoter car les actionnaires de Wiz ont craint un véto des autorités américaines quant aux règlementations antitrust. A l’époque Wiz était même censée conserver une certaine indépendance, continuant à travailler avec l’ensemble de ses partenaires actuels y compris avec des concurrents de Google. Wiz devait s’y engager à la fois pour honorer ses contrats mais aussi donc pour ne pas s’attirer les foudres des régulateurs américains toujours plus méfiants dès qu’il s’agit de concentrations impliquant des Gafam.

Mais depuis janvier, il y a un « nouveau Shériff » dans la place, avec une administration bien moins regardante que ce type de deals. Google a donc représenté son offre en l’augmentant tout de même de près de 10 milliards, suite sans doute à une montée des enchères entre les différents potentiels candidats au rachat.

La bonne étoîle des startups israéliennes

Moins connue que d’autres de ses consoeurs israéliennes de la cybersécurité, Wiz a été fondée en 2020 par d’anciens membres des renseignements militaires israéliens avec l’idée d’identifier et d’éliminer les cyberattaques dans les environnements cloud. Dès ses premiers pas, de bonnes fées se sont penchées sur son berceau parmi lesquelles figurent les fonds d’investissement Sequoia Capital, Andreessen Horowitz, Index Ventures ou encore LightSpeed Venture. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de ces pépites cyber israéliennes d’attirer très vite des gros ventures capitalists américains qui les accompagnent dans leurs croissances stratosphériques. Jugez plutôt. 18 mois après son lancement, le chiffre d’affaires de la pépite dépassait les 100 millions de dollars. En 2023, Wiz a franchi les 350 millions. Il y a tout juste un an, la startup levait 1 milliard de dollars, la valorisant 10 milliards de dollars. Une valorisation multipliée par 3 aujourd’hui… Un rapport de grandeur que seuls quelques acteurs de l’IA générative ont atteint cette année.

Sa spécialité : la cybersécurité des environnements cloud

Surfant sur un marché du cloud en constante progression, concentré autour des 3 hyperscalers majeurs. Son objectif est d’aider les entreprises clientes de ces clouds à sécuriser leurs systèmes en fournissant une visibilité complète des infrastructures -y compris les plus complexes-, en identifiant et en évaluant en temps réel tous les risques potentiels et chemins d’attaques. Mais plus que le métier de cette startup, sa liste impressionnante de partenaires, son portefeuille clients (où figurent ce qui se fait de mieux dans le Fortune 500), ce qu’il faut retenir de cette potentielle acquisition est la volonté de Google de se renforcer fortement sur ce marché cyber. Il fait partie du deuxième axe stratégique aujourd’hui défendu par Sundar Pichai le premier étant l’IA.

Google riposte à l’offensive cyber de ses concurrents AWS et Microsoft

Pour Google, l’enjeu est important par rapport notamment à ces deux rivaux historiques AWS et Microsoft Azure qui accusent une certaine avance sur le sujet. Rappelons que Microsoft n’est rien d’autre que le premier fournisseur mondial de solutions cyber avec un chiffre d’affaires dédié estimé entre 10 et 12 milliards de dollars et des investissements conséquents en R&D. Google, malgré sa surface financière, est un peu moins concentré sur ce sujet. Le géant américain ne peut courir plusieurs -gros- lièvres à la fois. L’IA concentre beaucoup de la puissance d’innovation. Le reste, il faut donc l’acquérir. Google avait déjà déboursé 5,4 milliards de dollars en 2022 pour le rachat de Mandiant et poursuit donc sa quête de technologies.

Beaucoup de complémentarité technologique

Reste qu’une fois la transaction digérée, on imagine aisément les complémentarités technologiques entre les deux acteurs. Tout en renforçant ses compétences et son expertise humaine en cybersécurité, Google donnera accès à sa nouvelle filiale à ses vastes ressources cloud et IA. La paire oeuvrera évidemment plus efficacement dans un environnement GCP et, vu l’avancée de Wiz sur son secteur, définir pourquoi pas de nouveaux standards de la sécurité en cloud. Une chose est sûre, tout en recollant au duo de tête en matières de cyber et cloud, Google fait aussi un gros pari sur la direction prise par les technologies cyber dans un futur proche. Une mise à 23 milliards de dollars.

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Par Frédéric Simottel

Frédéric SIMOTTEL, est éditorialiste High-Tech sur BFM BUSINESS et BFMTV. Il est également rédacteur en chef de l’éditorial de l’ensemble des évènements organisés par BFM Business (BFM Awards, Grands prix de l’accélération digitale, hors séries BFM, etc). Il présente aussi chaque week-end sur BFM Business les émissions « Tech & Co Business », un programme sur la transformation numérique des entreprises, « BFM Stratégie », un cours sur la stratégie des entreprises avec Xavier Fontanet, ancien PDG d’Essilor. Il traite également des sujets high tech chaque jour dans les journaux de l'antenne et intervient quotidiennement dans l’émission du soir « Tech & Co » sur BFM Business. Il intervient enfin sur BFM TV & RMC sur les sujets liés aux technologies. Ingénieur télécoms et réseaux de formation, ce journaliste spécialisé occupe depuis plus de 28 ans une position privilégiée en tant qu’observateur du marché high-tech. Parmi ses sujets de prédilection figurent la stratégie digitale des entreprises, l’évolution de l’écosystème IT, la cybersécurité, l’univers des startups et plus globalement les changements provoqués par l’innovation numérique (IA, Cloud, Infrastructures IT et réseaux, télécoms, mobilité, électroniques embarquée, quantique, etc). Autant de sujets dont ils se fait l’écho sur les différents canaux du groupe Altice Media (Web, TV, radio et évènements). Il intervient enfin depuis de nombreuses années en tant que keynote speaker ou animateur lors d’évènements portant sur l’innovation, le business et les technologies numériques.